Comment trouver son désir ?
- VANAUDENHOVE VALERIE
- 2 févr.
- 3 min de lecture
En posant cette question, comment trouver son désir, l'idée apparait que nous avons peut-être chacun un désir, plus important que les autres, quelque chose qui nous définisse, nous constitue, quelque chose d'essentiel à quoi il faille être fidèle et sur lequel il ne faille surtout pas céder, que Jacques Lacan en effet appelle « notre désir », pour le distinguer de tous les autres désirs, par exemple vivre intensément, ou être quelqu'un de bien, et que nous pourrions aussi appeler avec Sartre notre projet, ou avec Brel notre quête, notre étoile.
Bref, on voit l'idée, trouver enfin ce qui compte vraiment pour soi et essayer de lui rester fidèle.
Donc pas « j'ai le désir de manger du chocolat par exemple » ?
Non, exactement. Oui, donc le désir est essentiel, alors on voit l'idée. On pourrait penser que la gourmandise, avoir une vie gourmande, c'est un désir axial, on pourrait penser ça.
Alors c'est comment trouver ce désir ? Comment est-ce qu'on peut faire s'il y a une méthode ?
Je vois deux chemins, un chemin d'exploration et un chemin d'introspection.
- Le chemin d'exploration est un chemin d'action, jalonné d'essais, d'engagement concret dans le monde, on essaie quelque chose et puis on voit comment ça résonne. On change de manière de travailler, on change de métier, de manière d'aimer, d'organiser sa vie, on change de priorité, bref, c'est en essayant que l'on va voir si cela nous correspond, car les choses qui nous correspondent produisent en général assez rapidement des effets objectifs sur nos existences. Moins de symptômes, plus de joie de vivre, moins de problèmes pour se lever le matin, plus de créativité existentielle, moins de plaintes, plus grande facilité à entrer en relation avec les autres. Mais encore une fois, il faut y aller pour savoir si ça nous plaît. Donc, c'est une forme de tâtonnement ou en tout cas d'essai successif, jalonné éventuellement d'échecs.
Alors, ça peut nous plaire sans être vraiment quelque chose qui corresponde à notre désir, puisque vous citiez Lacan tout à l'heure, ou à notre projet, comme le disait Emmanuel Macron ou Jean-Paul Sartre.
Exactement, d'où la nécessité du second chemin, un chemin d'introspection. Il faut alterner les phases d'exploration et d'introspection. On pourrait imaginer une sorte de valse à deux temps. D'abord, je m'engage dans le monde et je vois comment cet engagement produit en moi des effets. Et puis, je me retire en moi et loin du fracas du monde, dans la nature ou dans le cabinet d'un thérapeute, je me demande si je suis bien en train de me rapprocher de mon désir, si je suis fidèle à ma quête. Et puis, de nouveau, je m'engage dans le monde et de nouveau, je sors de moi et de chez moi. C'est une alternance de phases d'exploration et de phases d'introspection qui pourra nous permettre de savoir si nous avançons dans la bonne direction et si les efforts de notre volonté consonnent avec la réalité de notre désir.
Mais par exemple, les deux immenses navigateurs ou les navigateurs du Vendée Globe, eux, ils sont dans quelle phase ? Ils sont dans l'exploration ? Ils sont dans la sortie de soi ou dans l'introspection puisqu'ils sont en solitaire ? Il y a eu clairement l'alternance des deux et c'est ça qui est fabuleux. Parce que c'est ça que vous présentez, c'est l'alternance entre l'exploration et l'introspection, c'est une méthode.
C'est une méthode. Et est-ce que ça marche systématiquement ?
Eh ben non ! Ce serait trop simple. Et d'ailleurs, il n'est pas dit que nous ayons tous, même un désir principal, un projet de vie axial, que notre vie prenne son sens par rapport à une seule quête, une seule étoile. On peut par exemple consacrer une partie de sa vie à vouloir réussir financièrement, et puis une autre à se dire « mais non, ce qui compte, c'est de se mettre au service des autres ». On peut commencer à penser que son véritable désir dans la vie est d'être, je sais pas, créatif ou créateur, et puis se dire qu'en fait, il y a plus important, par exemple être quelqu'un sur qui ses proches peuvent vraiment compter. Donc peut-être que nous n'avons pas qu'un seul désir. Et peut-être aussi que nous avons vraiment un désir, mais qu'il est inconscient et donc introuvable. D'ailleurs, Brel ne parle-t-il pas d'inaccessible étoile. Il s'agirait alors moins de trouver son désir que de le chercher, de s'interroger sans cesse sur ce que c'est qu'être fidèle à ce qui compte vraiment pour soi. Pas sûr que nous trouvions la réponse, mais c'est la question qui compte. Elle permet d'éviter bien des errements. Avec le temps, s'il reste parfois difficile de savoir ce que nous désirons vraiment, nous savons de mieux en mieux ce dont nous ne voulons surtout pas, le genre de personnes à laquelle nous ne voulons surtout pas ressembler.

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